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Pré-amplificateur Conrad Johnson Premier Three

1°) Présentation générale :

Le pré-amplificateur Conrad Johnson Premier three est un appareil à tubes sauf en ce qui concerne la stabilisation de le haute tension et le redressement. Il a été construit de 1983 à 1988 et était vendu au prix de 2950 $.

La société Conrad Johnson a été fondée en 1977 par deux personnes : William Conrad et Lewis Johnson, il est très important de retenir que ces deux personnes ne sont pas des techniciens de l'électronique, mais des commerciaux, contrairement par exemple à Peter Walker qui a fondé Quad, ou Nelson Pass avec Pass Labs, ou encore Kosaku Kikushi avec Sansui.

 

Caractéristiques constructeur :

Gain étage phono 40 dB (entrée 500 mV à 1kHz)
Gain étage ligne : 28 dB
THD : moins de 0.05%

IMD : moins de 0.05%
Bande passante :  2 Hz à plus de 100 kHz
Egalisation RIAA +/- .25 dB (20 à 20 kHz)
Rapport signal/bruit étage phono 72 dB sous 10 mV en entrée
Rapport signal/bruit étage ligne : 84 dB sous 2,5 V en entrée
Dimensions: 19" X 5 " x 12 "

Poids : 21 lbs.

Quelques remarques sur ces caractéristiques :

- rien n'est dit sur la bande passante (- 1dB, -2 dB, -3 dB... ???)

- il ne sert à rien de mettre l'égalisation RIAA : c'est un standard que l'on doit respecter

- le rapport S/N de l'étage ligne est donné pour 2,5 V en entrée... c'est énorme, on est plutôt à 1,3 VRMS (standard : +4 dBu) et ne correspond pas à une situation réelle

- absolument rien n'est dit sur la diaphonie

- les mesure de THD et IMD semblent très bonnes, mais sont en réalité tout à fait courantes pour un pré-ampli (l'amplification se faisant toujours en classe A du début jusqu'à la fin sur un pré-amplificateur !).

 

a) Partie mécanique :

Le châssis de base est très très léger : deux petites poutres qui rassemblent deux plaques (avant et arrière) le tout en aluminium !! Le chois de ce matériaux n'est pas clair et ne se justifie pas sur le plan électronique puisque tout ce qui vient habiller ce squelette est en acier (à l'exception de la façade en aluminium brossé). Il est probable que se soit le coût de fabrication qui ait guidé ce choix.

Sont rapportés sur ce châssis : un couvercle en U en acier noir, une plaque inférieure en acier aussi, et la façade. La qualité d'usinage est médiocre : l'ajustement se fait mal, la visserie est légère. La façade par contre est très très flatteuse : très épaisse avec de gros boutons en fonte d'aluminium et deux grosses poignées sur les côtés.

 

b) Partie électronique :

On trouve cinq entrées : deux tape, une aux, une tuner, une phono, toutes au format RCA. La fixation de ces entrées sur le châssis est... consternante pour un appareil qui s'est prétendu "meilleur amplificateur du monde" : les fiches sont toutes rapportées sur une plaque en plastique (ou bakélite ?) fixée elle-même sur un découpage rectangulaire fait à la presse dans la face arrière... on ne trouve ce type de montage aujourd'hui que dans des appareils très très bas de gamme.

Les sorties sont au nombre de quatre : deux OUT et deux REC OUT, là aussi au format RCA, et là aussi avec le même système de fixation. Ce type de fixation a un avantage en production : il est rapide et économique à réaliser.

Toute l'électronique est montée sur un seul et unique PCB. Les fixation de ce PCB sont pour le moins étonnantes : sur les barres latérales et via des entretoises sur la plaque du fond avec des espèces de mini joint toriques... Après recherche sur internet, il semblerait que ceci soit fait pour aténuer les vibrations... Là on se demande si se sont bien des électroniciens qui ont réalisés cet appareil : les lampes ne sont pas sensibles aux vibrations, ou alors se sont de mauvaises lampes. Lorsqu'il n'y avait pas de semi-conducteurs, aucun appareil à lampes n'avait ce type de fixation, au contraire : les culots étaient tous solidement fixés au châssis, et ce que se soit sur des appareils militaires (radio) ou de HiFi (studio, sonorisation de théatre, amplificateurs domestiques).

La conception du PCB mérite qu'on s'y arrête (on trouvera plus bas les images illustrant les propos qui suivent). D'abord les pistes sont très fines, ensuite il n'y a pas de plan de masse (!!) pour un préamplificateur c'est étonnant. Le remplacement est fait par un dessin de pistes de masse très curieux. On constate également la présence de nombreux trous d'aération... très bien, encore faut-il qu'ils soient bien placés : il n'y en a pas sous les résistances de puissances, lesquelles sont collées au ras de PCB, d'où une très mauvaise ventilation ! Un comble également : les transistors driver des ballast de la HT sont situés SOUS le PCB, d'où une ventilation très très mauvaise également de ces éléments !

On constate aussi que deux pistes présentes ne sont pas du tout utilisées, elles ont remplacées dans le montage final par des fils... hé oui : si on utilise ces pistes (fait à titre expérimental) on voit apparaître du ronflement. Autrement dit ce PCB a été mis en production puis on a utilisé une rustine pour palier le pb. Ca veut dire qu'en fait il n'y a pas eu de recherches de faites au niveau du proto (celui-ci a-t-il même existé ?) en bureau d'études. On verra aussi plus bas que le signal se balade joyeusement via des fils a demi-blindés de la face avant à la face arrière, contrairement à ce que peut laisser penser la présence de rotacteurs liés aux boutons en façade par de longues tiges !

Les composants sont en apparence de bonne qualité. Là aussi de grosses réserves sont à faire, on trouvera ici un exemple de claquage des fameux condensateurs CJ (lesquels ne présentent aucune caractéristique exceptionnelle). Le relais de muting est de qualité standard.

Sur le schéma électronique lui-même : c'est un schéma très classique aussi bien au niveau RIAA qu'au niveau amplification en tension, ou stabilisation. Le système de muting est très mal fait : on a une mise à la masse de la sortie (contrairement à ce que peut laisser croire le schéma de principe !), ça marche très bien pour la mise en route, mais si cette fonction est utilisée brièvement en cours d'écoute la décharge des condensateur d'isolement est partielle et un ploc se fait entendre à la désactivation... Il aurait fallu faire deux systèmes distincts : un relais avec mise à la masse pour le OFF/ON et un relais avec mise "en l'air" pour le muting en cours d'écoute. Là aussi on se pose des questions sur le sérieux de la réalisation.

 

 

2°) Problèmes à la réception :

L'appareil ne fonctionne pas du tout. Des composants ont été changés, ajoutés n'importe comment, le PCB est fortement dégradé.

 

 

3°) Recherche des causes et dépannage :

Compte tenu de l'état du PCB, aucune restauration correcte n'était envisageable sans le refaire partiellement. Il a donc fallu redessiner un circuit du côté alimentation HT (en plaçant les transistors ballast AU DESSUS du PCB, et c'est tout à fait réalisable !). Le PCB initial a été tronçonné, seule la partie RIAA étant conservée, les raccords entre les deux PCB se faisant via fils-picots.

La quasi totalité des composants a été changée : les condensateurs film CJ ne sont pas assez fiables, les résistances de puissance (neuves) mises à distance de la surface du PCB, les transistors ballast, le pont d'alimentation filament totalement sous-dimensionné a été remplacé par un modèle de puissance fixé à la face inférieure pour une bonne dissipation.

En plus ce tout cela, un redressement du châssis a été fait.

 

 

4°) Le dépannage en images :

a) Etat des lieux et défauts d'origine :

On commence par des pbs de sécurité tout simples : ci-dessus entourés en rouge les borniers qui permettent d'alimenter d'autres appareils via le pré-amplificateur. Il n'est pas normal que ces bornes ne soient pas protégées (gaine thermo ou autre), c'est un danger important !


Vue des borniers d'entrées montés sur plaque bakélite, pointées en rouge les vis de fixation de la plaque. Il aurait fallu percer la face arrière et monter des RCA isolées.


Toujours au sujet des borniers RCA, quand on regarde les deux images ci-dessus on est consterné par la mauvaise qualité de ces derniers, c'est vraiment du modèle bas de gamme !


La première vue fait penser que le signal issu des borniers d'entrées est commuté par le rotacteur à tige, puis file vers la partie RIAA ou vers l'amplification en tension, ce qui est effectivement un bon choix, en réalité il n'en est rien : il en envoyé vers l'interrupteur Source/monitor via la nappe multicolore (photo du bas)... nappe qui n'est blindée que par un artifice étonnant : les deux fils d'extrémités sont reliés à la masse !

Sur la vue du haut sont entourés en vert des trous non utilisés sur le PCB, et en rouge les extrémités des fils qui en fait by-pass les pistes non utilisées, sur la vue du bas on voit bien les deux pistes non utilisées avec les trous cerclés en rouge. On voit très bien qu'initialement les fils rejoignaient le PCB (le face à face des trous est patent). Comment se fait-il qu'un tel PCB ait été mis en production ??


Le PCB côté alim et amplification en tension d'origine :

- en 1 et 2 de nombreux fils, on se demande qui a fait le routage !

- en 3 : le fils de chauffage torsadé, ça c'est normal, si ce n'est qu'en général ce montage en l'air et torsadé est réservé à un chauffage alternatif (de façon à limiter le ronflement), ici on est en continu.

- en 4 : le fil d'alim secteur vers l'inter OFF/ON, torsadé : ça c'est bien aussi.

- pointés en vert : deux condensateurs rajoutés, et qui n'ont rien à faire ici !

- cerclé en vert : le PCB brûlé sous le pont d'alimentation filament, la brûlure est telle que les pistes ont disparues, un bricolage a été réalisé pour faire tenir le pont.

- cerclés en rouge : les drivers de ballast HT, on voit très bien que ces transistors coincés sous le PCB et sans radiateur ont chauffés (semelle brunie).

 

Les condensateurs de filtrage de la haute tension :

- pointés en vert des SCR de remplacement

- pointés en bleu des CJ non d'origine.

Le choix de condensateurs à film est absurde à ce niveau et surtout aujourd'hui : on a tout intérêt à mettre du chimique HT de valeur correcte, on obtiendra un excellent filtrage, et donc une réduction très forte du ronflement.


b) Réfection du PCB :

Le PCB côté RIAA est en bon état, il sera conservé tel quel, les composants passifs seront changés en partie (en particulier les condensateurs).

Pointées en rouge des résistances de puissance "collées" au PCB, on voit bien que ce dernier à chauffé, il faut impérativement mettre ce type de résistance en hauteur en conservant une longueur des pattes suffisante.

Pointé en vert un condensateur à film neuf.

Après découpe du PCB, la partie RIAA (ci-dessus) terminée :

- pointés en rouge : les condensateurs neufs (Cornell Dubilier)

- pointés en vert les résistances de puissance neuves mises à distance du PCB.

On voit également sur le côté droit les picots de liaison avec la partie du PCB qui sera refaite.


c) Réalisation de la nouvelle partie du PCB :

Ce fut la partie la plus fastidieuse de cette restauration.

Après sciage du PCB, dépose et repérage de tous les composants, la partie qui va être refaite, on voit bien sur cette vue les zone ayant chauffées :

- cerclée en rouge : la zone du pont d'alimentation filaments, l'époxy est vraiment brûlé, les pistes inexistantes

- cerclées en vert : les zones des drivers des ballast HT, des pistes sont décollées ou manquantes.


N'ayant pas fait de vues de la partie refaite seule, c'est sur ce cliché qu'on la voit le mieux côté cuivre.

La face n'a pas été étamée mais vernie, le routage repensé pour éviter les fils baladeurs et surtout l'implantation en sous-face des transistors drivers de ballast HT, les pistes élargies. Un fusible sur la HT a été mis en place (il n'y en avait pas sur l'original !!).

Encadrée en rouge la zone de jonction entre le nouveau PCB et la partie restante de l'ancien (partie RIAA).


d) Le PCB entrée et muting :

Il y avait également des problèmes à ce niveau : relais dessoudé, transistors HS...

Cerclé en rouge : le rotacteur de sélection de sources.

Cerclé en bleu : le relais de muting.

Tant que l'on est dans cette zone, il est intéressant de voir le pb du plan de masse. Normalement sur un pré-amplificateur on s'efforce , soit de faire des liaisons filaires blindés (montage en l'air d'autrefois), soit de minimiser la longueur des pistes, soit de blinder le PCB par un étalement de la masse, voir pour les PCB double face en utilisant une face uniquement pour la masse (on a dans ce dernier cas un excellent blindage et un très bon rapport S/N au final. Ici, rien de cela : le blindage est fait via des pistes qui entourent d'autres pistes (à une distance très élevée soit dit en passant), toutes les pistes pointées en vert correspondent à cela, elles sont toutes reliées au potentiel masse. On peut parier en voyant cela que le routage a tout simplement été fait... à la main. Une gravure à l'anglaise aurait été plus efficace, de plus en 1983 tous les industriels avaient déjà des routeurs pour tracer les circuits... c'était sans doute un trop gros investissement par rapport au désir de rentabilité très fort que l'on ressent à l'examen de cet appareil.

 

e) Redressement du châssis :

L'aluminium n'a pas résisté à un choc léger, on voit très bien la déformation de la tôle au-dessus de la jonction avec la poutrelle latérale.

Après dépose de la quasi totalité des éléments internes, le PCB nu (ci-dessus) a été redressé.


f) Mise en place finale :

L'appareil est ici électroniquement terminé, on voit bien la nouvelle partie de PCB.

Vue supérieure au même stade de la réfection.

On voit bien tous les nouveaux composants, en particulier pointés en rouge les condensateurs chimiques de filtrage HT, pointés en vert le condensateur de filtrage tension filament. Cerclé en rouge toute la zone de régulation de la HT entièrement repensée avec des transistors drivers en surface, on en a profité pour mettre des semiconducteurs de qualité très supérieure à ceux d'origine. Cerclé en vert le pont puissance pour tension filament dont la semelle sera fixée à la face inférieure de l'appareil une fois celle-ci remise en place.

 

D'autres petites interventions ont été faites : nettoyage potentiomètre, sélecteurs, soudures sur RCA...

 

 

5°) Essais et mesures :

Les essais se font tout simplement au GBF et oscillo, avec vérification de non surchauffe, absence de ronflement et bon fonctionnement général.

Les mesures réalisées sont les suivantes :

- DHT et SNR

- Slew rate

- Réponse sur carré

- BP à -3 dB

- Bruit résiduel

- Diaphonie


a) DHT et SNR :


Fréquence (kHz)

1

5

10

20

DHT (%)

0,004

0,015

0,03

0,03

SNR (dBc)

89,7

89,5

89,8

89,3

 

Spectres associés :

Bonnes valeurs pour DHT et SNR, on constate une assez bonne amélioration par rapport aux valeurs constructeurs ! Ceci est certainement dû à l'utilisation de condensateurs chimiques sur l'alimentation HT.


b) SlewRate :

On est à 0,13 V/µs... c'est très faible, mais pas étonnant avec une technologie à lampes qui oblige à mettre des condensateurs d'isolement vis à vis de la HT un peu partout sur le trajet du signal.

 

c) Réponse sur carré :

à 1 kHz, 5 kHz et 10 kHz :

Bon c'est assez moyen, toujours le problème des condensateurs de liaison.


d) BP à - 3dB :

C'est correct.


e) Bruit résiduel :

Assez élevé : 1,06 mVRMS, c'est lié aux tubes : cette technologie est bruyante.


f) Diaphonie  :

(rappel : la diaphonie mesure la séparation entre les deux voies d'un appareil HiFi)

à 1 kHz : - 67 dB

à 5 kHz : - 45 dB

à 10 kHz : - 45 dB

à 20 kHz : - 39 dB

Plus la valeur est élevée (en valeur absolue) et meilleure est la séparation.


La valeur moyenne d'environ - 45 dB est très très mauvaise, un bon appareil est aux environs de -80, voir -90 dB.

Il y a fort à parier que ceci est lié au routage du PCB, et à la nappe multicolore entre rotacteur de sélection des sources et inter de monitoring dans laquelle il n'y a pas de blindage entre les voies !!

 

 

6°) Bilan :

Voilà un appareil qui paraît-t-il est "un appareil de légende", on trouve même le termes de "meilleur pré-amplificateur du monde" (si l'on cherche un peu on se rend compte que cette dernière expression a été utilisée dans un test de la revue Absolute Sound, on peut légitimement se demander ce que vaut une expression utilisée par un seul journal !!). On est en fait très loin de tout cela : on a affaire à un appareil dont la réputation est assise sur du pur marketing, les mesures ci-dessus et surtout les défauts énormes de conception et de fabrication détaillés ci-dessus le prouvent suffisamment. Le pire étant le rapport qualité/prix : proche de zéro !!! Le prix de lancement aurait dû être au grand maximum de 500 $.

L'appareil vieillit très mal.

On est également consterné (le terme n'est pas trop fort) lorsqu'on jette un coup d'œil sur la page suivante : http://parttimeaudiophile.com/2012/03/20/quick-visit-to-conrad-johnson/ . Il s'agit d'une visite faite dans l'usine (?) aux USA : tout y est vieux, mal éclairé, les rack tiennent avec des tyrap (!!) (cf photo 4), enfin le top est atteint avec le banc de test : un oscillo analogique, un GBF idem, un établi bricolé en bois, des variac, et surtout un appareil par terre (idéal pour y mettre les pieds !!!). Et il paraît qu'on est chez un fabriquant de matériel "très haut de gamme". Enfin le site internet du dit fabriquant ne semble (c'est le moins qu'on puisse dire) pas très dynamique.

En bref : un bel éclairage sur la hifi "très haut de gamme" qui n'en a bien souvent en réalité que le nom !!

 

 

7°) Statut :

Restitué à son propriétaire.

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